Le feu de la réforme: bêê, bêê… !

Suite de l’article « Le p’tit bal perdu : la Valls à 3 temps »… Je viens d’écouter Manuel Valls à propos de la loi-Travail El Khomri: un petit discours de 45 mn environ m’inspire ces quelques commentaires à chaud (les citations « quasi historiques » de Manu sont mises entre guillemets).

Manu va de l’avant : les « rapports de force entre l’entreprise et ses salariés doivent être équilibrés » : cette simple référence nous rappelle que la France reste encore un pays d’inspiration marxiste et bla-blateur dès que l’on touche aux acquis sociaux; en oubliant d’affirmer que c’est l’entreprise, et donc l’investisseur, qui crée ces richesses, on flatte le bon peuple de gauche tout en décourageant l’entrepreneur.

Et Manu d’annoncer de façon péremptoire : « une réforme ambitieuse et inédite ». Mais tout le monde est mécontent, non ? Bravo pour la Vision ! Son constat reste généraliste : précarité de l’emploi au travers des CDD, nécessité de mieux former notamment les jeunes sans emploi, impératif absolu d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de l’économie française, permettre aux PME d’investir et de prendre des risques, etc… : autant de phrases vides de sens et de mots creux que personne ne conteste.

Manu continuant sur le même ton, clame qu’avec une réécriture « de 125 pages du Droit du Travail, il peut y avoir de l’audace sans rupture » (note: le Code du Travail compte environ 700 pages et non, 3000 pages comme on le dit souvent, en mélangeant les textes de loi et les commentaires ad hoc du fameux Dalloz) :

– Hélas oui, il y a de l’audace : 75% des salariés sont en CDI ; et ils n’ont aucune intention de laisser une petite place aux 25% des français actuellement sur le bord du chemin ou marchant à petite vitesse. Vouloir convaincre en France les soi-disants représentants de ceux qui ont déjà un vrai boulot est chose perdue d’avance. Comme l’indiquait un slogan noté lors des dernières manifestations d’étudiants : « Rose promise, chom’du », ce qui résume en une blague que les beaux sentiments et les discussion sans fins n’ont plus cours lorsque le pays est en crise.

– Hélas oui, il n’y aucune rupture avec cette loi-Travail : les syndicats ont gagné alors qu’ils ne sont guère représentatifs (7% des salariés sont syndiqués dont un bon tiers dans la fonction publique); l’Unef a enfin un os à ronger dans le style « petit-jeunes-vieux-déjà-frileux-avant-l’âge-cherchant-riche-protecteur » alors que cette organisation ne représente que 0,8% des étudiants sur un total de 2,4 millions étudiants (chiffre à rapprocher des 2 millions de jeunes sans emploi et sans formation, soit un quart des français de moins de 25 ans !). Où est donc passée notre belle démocratie représentative ? Tout se jouerait-il dorénavant dans la rue avec quelques minorités bruyantes et tellement égoïstes ?

Bien conscient que sa réforme va passer par le petit trou de la souris socialiste, Manu s’enorgueillit : cette loi sera « un progrès pour le modèle social français ». De beaux mots, de belles phrases pour dire que le modèle français est en panne d’idées ; la France reste figée dans les politiques généreuses de l’après guerre; l’accès au pouvoir d’hommes politiques de tous bords n’y a rien changé : la vie politique française tourne régulièrement au pugilat des « me too ». Comment peux-t-on encore parler de modèle français ? Avec 3 millions de chômeurs officiels de catégorie A, auxquels il convient d’ajouter 1,4 million de sans-emplois au sens de la définition du BIT et 5 millions de pauvres selon l’Insee, cela fait beaucoup de monde face aux petits 500 000 manifestants de la semaine dernière.

Et Manu de conclure : « Aujourd’hui, nous prenons un nouveau départ ». Ah bon ? Où est donc la course pour l’Emploi ? Les annonces de cette loi-Travail n’ont convaincu personne et surtout pas après ces reculades ; c’est ainsi. La loi pour l’Emploi se transforme en loi CFDT et les salariés en CDI sortent renforcés de cet épisode ; les chômeurs, les jeunes sans emploi et les pauvres resteront là où ils sont ; et d’ailleurs personne ne souhaitent les représenter: ils ne votent plus, ni dans les entreprises bien sûr, ni aux élections classiques. Mais nous reverrons ces leaders de l’Unef dans de jolis postes politiques d’ici 20 ans comme c’est le cas pour JC Cambadélis et.. Manu; les 3 millions de PME continueront donc à se débrouiller seules face aux difficultés de tous les jours, alors que ce sont le seules à pouvoir nous sortir de la crise.

Et le  Medef alors ? Bof, bof… à force de compromis avec les syndicats et le gouvernement, il ne représente plus que lui et les grandes entreprises. Il n’ose meme plus parler du seuil fatidique des 50 salariés au delà duquel vous devez mettre en place un Comité d’entreprise, un CHSCT, accroitre le nombre d’heures de délégation syndicales, etc.. Vive la faiblesse politique, source de toute rente !

Et les leaders de droite ? Rien, rien et rien… Le FN est aux abonnés absents; Juppé, Sarko, Fillion, Bayrou, Copé ? Aussi ! Et les jeunes-vieux de droite : Wauquiez, Bertrand, Morin ? Aussi ! Où sont-ils donc passés tous ces brillants esprits de la droite à l’heure du combat politique ? Courage, fuyons…!

Et le parlement ? La partie va maintenant se jouer avec les Députés d’ici deux mois: ce sera le point d’orgue de cette mascarade. Le vent de la défaite souffle sur les députés de gauche qui se disputeront chèrement les places en 2017, Hamon et Duflot en tête. La droite s’en pourlèche déjà les babines… A ce petit jeu politique d’une gauche sans cap, Manu vient de perdre doublement : à sa droite, la petite majorité parlementaire qui souhaitait aller dans son sens ; à sa gauche, une majorité de français qui espéraient revoir le Manu réformateur.

Heureusement, dans quelques mois, les français auront tout oublié, et la loi-Travail, et les polémiques du moment ; toute la brillante gauche française reprendra ses discours usés et chacun sera à sa place, comme avant. Les moutons seront nombreux à bêler lorsque la petite dizaine de béliers blatèreront juste avant la Présidentielle avant de se ranger derriere le plus fort (eh oui, c’est ainsi). Mais si vous regardez bien, vous verrez que nombreux seront les moutons, qu’on qualifiera sans doute d’enragés, s’éparpillant dans la plaine des espoirs déçus, là où les marécages du populisme commencent: mais vers quel bélier blatérant plus fort que les autres seront-ils attirés ?

Manu, vous aviez une petite chance de rallumer le feu de la réforme qu’une majorité de français vous réclame : perdu !

Macron saura-t-il reprendre le flambeau ou le prendront-ils à deux ? A moins qu’une Marine, une NKM, une MAM, une Taubira ne surgisse au dernier moment… : une brebis boutant les jeunes-vieux béliers, ce serait incroyable, non ? Au moins, cela aurait de la « gueule ».  A suivre…

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