Le retour de Jiminy Cricket

Loin d’aborder les sujets importants pour le quotidien des Français laissés à leur sort, l’allocution d’Emmanuel Macron ce mardi soir n’a été qu’un numéro d’autosatisfaction franco-européenne.

Pinocchio et Gepetto nous donnèrent hier une leçon de choses sur Emmanuel Macron et sa vision de la France. 9 novembre 2021, 20 h : long autosatisfecit télévisé du président Macron aux Français baigné d’une lumière froide dans une vidéo de 28 minutes 35 secondes. Ou, la solitude d’un président à bout de souffle souffrant d’une dysphonie dans la voix.

« La France ne sera pas forte seule : les enjeux sont tels que seule, une entente européenne solidaire et volontaire peut apporter à chacun de nos pays européens un relai et une force de frappe […] Les orientations de l’Union ne sont pas lointaines ni évanescentes ; elles sont même la trame de nos vies et des années qui viennent. […] Sans l’Union européenne, nous n’aurions pas si vite disposé du vaccin… Ensemble, nous tâcherons d’affronter les défis qui sont les nôtres. »

Mais qui parle vraiment ainsi ? Est-ce Emmanuel Macron ou son Jiminy Cricket ?

Tout le monde connaît Pinocchio et Jiminy Cricket, mais que savons-nous réellement du gentil petit grillon habillé en costume burlesque, parapluie à la main gauche, chapeau haut de forme et gilet coloré ? Pour tout le monde, il s’agit d’un être plutôt amusant dans ce conte pour enfants. Mais l’histoire originale de Pinocchio nous parle d’un tout autre Jiminy Cricket : celui qui incarne la bonne conscience de Pinocchio ; le petit grillon qui conseille, interpelle, houspille et parfois se moque tout en encourageant l’ami Pinocchio.

En substance, voici l’un des moments les plus poignants de cette histoire, où l’on voit Pinocchio assassiner « contre son plein gré » le pauvre Jiminy Cricket : « Pinocchio bondit, saisit un marteau et le lança de toutes ses forces sur le criquet parlant. Toujours est-il, mes chers enfants, que celui-ci frappa le criquet en pleine tête. Et c’est dans un dernier “cri-cri” étouffé que le criquet tomba du mur, raide mort ! » Pinocchio aura juste le temps de lui dire : « C’était entièrement de la faute de Jiminy Cricket, car je ne voulais pas le tuer. » Pinocchio a donc tué Jiminy Cricket sans le vouloir. Mais son égoïsme reprit très vite le dessus et la haute opinion qu’il a de lui-même le libèrera de toute repentance.

Mais alors, qui est donc le Jiminy Cricket d’Emmanuel Macron et cette leçon de choses ? Je parierais que ce n’est ni Alexis Kohler ni Emmanuel Bonnes, Clément Leonarduzzi, Stéphane Séjourné, Philippe Solère, et encore moins Patrick Strzoda : de simples serviteurs de l’État à la disposition du « génie élyséen », serviles et corvéables à merci jusqu’à l’écœurement — en attendant leur mise à la retraite volontaire pour incompatibilité d’humeur. Est-ce alors Bayrou, Attali, Sarkozy, Pisani-Ferry, voire Le Maire ou Darmanin, ou la quarantaine de conseillers spéciaux de la présidence de la République nommés par le locataire de l’Élysée ? Que nenni !

Le Jiminy Cricket d’Emmanuel Macron, c’est la… France !

Ce grand pays que notre président aimerait dominer comme il rêve de dominer l’Europe, sans se rendre vraiment compte qu’il est lui-même dominé par plus fort que lui : la bien-pensance, qu’on appelle le progressisme européen, avant qu’il ne devienne le wokisme bruxellois. Le président est, comme Pinocchio l’était avec son père naturel Geppetto, pieds et mains liés avec l’Europe. Et il aura beau pester contre les crises qui se sont abattues sur lui, Bruxelles continuera longtemps à tenir en laisse courte le pauvre Pinocchio. Si la France a pu se mouler dans la social-démocratie européenne, c’est parce que Bruxelles dirige la bonne conscience des présidents français, au nom de principes déclinés en moult règles, règlements et lois européennes.

« Les orientations de l’Union ne sont pas lointaines ni évanescentes ; elles sont même la trame de nos vies et des années qui viennent. » Le Président Macron ne se cache même plus derrière son petit doigt comme le firent ses prédécesseurs : tous ses discours font systématiquement référence à l’Europe ; toutes les solutions passent par l’Europe ; toutes ses procrastinations sont dues, non à l’Europe, mais aux Français qui n’y comprennent rien. « la France ne sera pas forte seule ! » : notre avenir dépend de l’Europe, et même notre souveraineté passera par l’Europe. Quel oxymore !

Et puis les crises du quinquennat passèrent les unes après les autres : les Gilets jaunes, Benalla, la retraite à points, le statut des cheminots, les 80 km/h, la crise sanitaire, le quoiqu’il en coute, les déficits, la dette, l’argent magique, etc. Mais le 9 novembre 2021, le président se réveilla de sa torpeur covidienne : « Les enjeux sont tels que seule une entente européenne solidaire et volontaire peut apporter à chacun de nos pays européens un relai et une force de frappe. » Diable ! Nous étions habitués à une autre force de frappe bien française.

N’ayant décidément rien compris à l’Europe, les Français préféreront-ils se tourner vers d’autres horizons ?

Hier soir, constatons qu’il n’y eut aucun mot sur l’immigration, les violences, la drogue, l’identité, la nation. : que de l’autosatisfaction franco-européenne. À force de vouloir toujours plus d’Europe, de nous imposer un mode de gouvernance mutualisée qui affaiblit les Français, Emmanuel Macron a oublié le quotidien de la rue. Il finira — tant va la cruche à l’eau qu’elle se casse — par détruire sa bonne conscience, c’est-à-dire la France. Mais par avance, afin de se disculper de son irresponsabilité, du manque de résultats probants, et l’affaiblissement de la France, il nous dira comme Pinocchio : « C’était entièrement de la faute de Jiminy Cricket, car je ne voulais pas le tuer. »

La fin de l’histoire, racontée aux Français, sera peut-être comme celle de Pinocchio : « Pas rancunier, Geppetto lui pardonnera sa bêtise ; ce qui semble pour tout dire immérité, car la première chose que Pinocchio fit après avoir réappris à marcher fut de s’enfuir de chez lui. » Et en 2022 ou 2027, Emmanuel Macron s’enfuira-t-il à son tour vers d’autres horizons, moins européens, plus wokistes ? Oubliant la France après l’avoir abandonnée, un peu comme Pinocchio tua le pauvre Jiminy Cricket : sans le vouloir vraiment, comme il trahit François Hollande, son vrai créateur, son petit Geppetto chéri, celui qui lui donna stupidement deux jambes, pour se précipiter vers l’Elysée.

Mais comme pour Pinocchio, son égoïsme reprendra vite le dessus et la haute opinion qu’il a de lui-même le libérera de tout remords.

Yves Gautrey / 10 novembre 2021

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