Crise économique : à l’origine, la prise de fonction de Joe Biden (partie 1 sur 3)

Avant d’aborder la situation au regard de la guerre en Ukraine et les perspectives futures, revenons sur les causes outre-atlantiques de la crise économique qui s’annonce.

Dès l’entrée en fonction de Joe Biden début 2021, deux risques majeurs sont apparus : d’une part, l’inflation qui commence à frémir aux États-Unis en raison du fameux helicopter money initié par Donald Trump, et que Joe Biden va intensifier. Et d’autre part, le dérapage perceptible de la croissance sous l’effet de la pénurie d’offre constatée depuis le début de la crise Covid en Asie, et qui alimente à son tour l’inflation américaine.

La sortie de crise Covid et le remède de la planche à billets

À partir de mars 2020, 2 200 milliards de dollars sont déversés sous l’administration Trump ; puis, encore 900 milliards en décembre 2020, et surtout 1 900 milliards trois mois après l’intronisation de Joe Biden : au total, 5 000 milliards de dollars seront ainsi allégrement déversés entre 2020 et 2021. Pour donner une idée de la monstruosité de la planche à billets, ces 5 000 milliards représentent deux fois le PIB français 2019, ou l’équivalent de celui de la Seconde Guerre mondiale. En conséquence, le déficit budgétaire américain explose : celui-ci va culminer à près de 18 % du PIB avec un top à 3 132 milliards, le double du précédent record des subprimes (2009). Les Européens suivront une année plus tard avec un plan moins ambitieux : 750 milliards d’euros ; mais surtout — créativité fiscale bien française oblige — mettront en place une capacité d’endettement en commun — des dettes garanties par les États solvables —, et ce, au mépris des traités européens.

La distribution d’argent magique fut si grandiose que l’inflation renaît très vite aux États-Unis. Au ridicule + 0,65 % de fin juin 2020, succède fin juin 2021 un premier cap difficile à passer : + 5,39 % (sources : inflation.EU/Taux IPCH/cumul sur 12 mois. IPCH : Indice des prix à la consommation harmonisé).

Pendant ce temps-là, Emmanuel Macron fait l’autruche

Pour des raisons électorales, Emmanuel Macron ne veut rien voir, ni dire la vérité aux Français : il se cache derrière la gestion de la crise Covid et son « quoi qu’il en coûte », dont on verra dans la deuxième partie le côté ridicule comparé à celui de l’Allemagne.

À la fin du mois d’août 2021, notre voisin allemand commençait dès lors à taper dans le dur avec une inflation à + 3,87 % sur 12 mois. La France ne bouge pas et s’enorgueillit d’un taux raisonnable. Mais Emmanuel Macron sera contraint de prendre toute une série de mesures démagogiques ; elles ne changeront pas grand-chose au problème de fond, c’est-à-dire à la perte réelle du pouvoir d’achat des Français face à l’inflation alimentée par l’argent magique et la pénurie de l’offre. Alors fin 2021, commencera le temps de l’arrosage électoral et des ristournes : chèques énergie, triplement de la prime Macron, cadeau à 1,5 milliards pour l’illusoire « Marseille en grand », 2 milliards supplémentaires pour la prime « Rénov », contraception gratuite pour les moins de 25 ans, promesse de l’autonomie de la Corse, etc.

La grogne monte. Bruno Le Maire tentera de calmer le jeu en indiquant sur CNews le 22 décembre 2021 que : « Oui, l’inflation est un sujet, mais là aussi, nous anticipons et nous protégeons… Je veux redire à quel point les décisions que nous avons prises avec le Premier ministre protègent le pouvoir d’achat des Français. Après, la réponse, pour moi, au pouvoir d’achat des Français, elle n’a pas changé, c’est le travail, le travail qui paye. »

Au final, l’inflation américaine atteint + 8,26 % sur 12 mois à fin avril 2022 ; l’Allemagne grimpe à son tour dans le train de l’enfer avec une inflation de + 7,84 %. Rattrapée par la patrouille avec une inflation de 5,38 %, le couple Macron-Le Maire est piteusement démenti par les faits. On rit jaune en se souvenant de l’autosatisfecit permanent des Macron, Castex et Le Maire relayé par les médias mainstream durant toute la « non-campagne présidentielle ».

En dépit de la situation qui se tend au deuxième trimestre 2022, les promesses électoralistes du couple Macron-Le Maire vont continuer à un rythme soutenu : augmentation du point d’indice des fonctionnaires, hausse des petites retraites, chèque alimentaire ; et pourquoi pas non plus, les tickets de rationnement ou les bons d’essence pour gros rouleurs ? On a le sentiment qu’Emmanuel Macron a décidément très envie d’une nouvelle — et toute dévouée — majorité à l’Assemblée nationale, afin d’avoir les mains libres et coûte que coûte, mener sa politique. Mais laquelle ?

La crise économique débute aux États-Unis, au deuxième trimestre 2021

Cette crise s’explique essentiellement par un double phénomène : les excès de la planche à billets comme on l’a vu, mais aussi par la baisse de l’offre mondiale. En effet, le fort rebond post-Covid de toutes les économies occidentales s’accompagne d’une surchauffe de l’économie ; aux États-Unis, le PIB américain croît de 6,9 % en 2021 ; en Europe, le même phénomène apparaît un peu plus tard.

Le rebond généralisé s’accompagne d’une raréfaction de l’offre, notamment en provenance d’Asie, et de Chine en particulier. Cela alimente à nouveau l’inflation par les coûts importés ; puis sous l’effet de l’insuffisance de main-d’œuvre, la pénurie de l’offre augmente le phénomène. L’Europe suivra le même processus avec le décalage habituel.

À partir de mars 2022, le cortège des sanctions occidentales prises à l’encontre de la Russie ne fera que renforcer l’inflation déjà bien amorcée depuis juin 2021. Les conséquences sur la tendance inflationniste sont connues sur les coûts de l’énergie, des céréales, etc., et ce, au risque de créer des famines dans le monde. L’échec de la lutte anti-Covid en Chine sera le point d’orgue des « tuiles » tombées (involontairement) sur les consommateurs européens.

Les prévisions ne sont pas du tout optimistes, car aux ruptures d’approvisionnement, s’ajoutera la spirale infernale « inflation/hausse des salaires » qui s’amorce début 2022 aux États-Unis et qui traversera bientôt l’Atlantique. Deux exemples : dès janvier 2022, la moitié des PME américaines envisageaient d’augmenter les salaires dans les trois prochains mois; et, fin mai, pour éviter le départ de ses employés, Apple augmente leurs salaires de 45 %.

La vitesse d’adaptation des Américains

Bonne nouvelle : à fin septembre 2022, le déficit américain chute de 1plus de 1 000 milliards. Ce sont les effets conjugués d’une baisse du montant des allocations chômage versées et une hausse des recettes fiscales. On pense voir le bout du tunnel, mais deux décisions américaines absolument majeures vont bouleverser l’économie mondiale.

Acte 1 : Le 3 novembre 2021, après de longs trimestres de soutien monétaire à l’économie, la Fed (Réserve fédérale américaine) annonce une première diminution de sa politique de rachat d’actifs qui se montait à 120 milliards de dollars mensuels. Début décembre 2021, l’arrêt programmé de la planche à billets est décidé par la Fed. Le 10 mars 2022, soit juste quinze jours après le début de l’attaque russe sur l’Ukraine, la Fed met fin définitivement au rachat d’actifs. La BCE, toujours pusillanime dans ses décisions, annoncera un peu plus tard la même décision, qui ne sera effective qu’en juillet 2022 : une nouvelle démonstration de l’incapacité de l’Union européenne à décider rapidement, sauf contre la Russie.

Acte 2 : Toujours en décembre 2021, la Fed notifie au monde entier la fin de l’argent magique tombée du ciel. À titre conservateur, trois hausses des taux d’intérêt sont programmées sur 2022 ; puis trois autres encore sur 2023 ; et enfin deux autres sur 2024. La Fed se réserve bien entendu la possibilité d’ajuster cette politique dans les trimestres à venir. La BCE, en retard d’une guerre, attendra le 23 avril pour déclarer : « Si la situation [de l’inflation] perdure, il y a de fortes chances que les taux soient relevés d’ici la fin de l’année. » À Davos, le blog officiel de madame Christine Lagarde, avance au mois de septembre la date de « sortie des taux négatifs ».

Ces deux décisions — purement étatsuniennes — vont inverser la donne économique mondiale. Dès mars 2022, on constate un net fléchissement de la croissance mondiale : le spectre de la stagflation commence à inquiéter. Le PIB recule aux États-Unis de 1,4 % au premier trimestre 2022. Ceux de l’Allemagne et de la France frôlent le niveau 0.

Depuis fin mai 2022, tous les médias économiques évoquent un ralentissement de la croissance. En France, la grande distribution de chèques électoraux du dernier Gouvernement Castex apparaît bien dérisoire face aux graves menaces sur le pouvoir d’achat. Même si la guerre en Ukraine devait s’arrêter en juillet — ce qui bien sûr ne sera pas le cas —, les mauvais fondamentaux économiques sont bel et bien là : l’économie mondiale peut basculer d’un mois sur l’autre dans l’inconnu ; c’est-à-dire la récession ou la stagflation.

Dans ces conditions, Emmanuel Macron frappe tous les jours à la porte de la BCE pour plaider la cause de la France. Et, ô miracle, le 23 mai, la Commission européenne annonce que le pacte de stabilité — et donc les règles budgétaires — est reporté à 2023. Cependant, Ursula von der Leyen insiste pour que l’objectif du Pacte reste inscrit dans le projet européen : tous les États devront tendre sérieusement vers le célèbre 3 % de déficit public et une dette maximum de 60 % du PIB.

Hélas, les chiffres du couple Macron-Le Maire sont démoralisants : notre déficit public est à 6,5 % et notre dette a franchi la barre des 113 % de notre PIB à fin décembre 2021 selon l’Insee. Ce qui revient à dire que pour respecter nos engagements, il nous faudrait couper dans les dépenses publiques, et ce, tous les ans, à hauteur de presque 90 milliards, soit plus de 2 fois le budget de la Défense ; et réduire de 1 300 milliards la dette française, c’est-à-dire rembourser plus de 48 % du PIB 2019 ! Même si l’inflation nous aidera pour assurer un certain niveau de remboursement de la dette, tout le monde a bien compris que c’était mission impossible ! Macron n’est ni Ethan Hunt ni Tom Cruise. Alors pour faire passer la pilule aux citoyens de l’Europe du Nord, la Commission nous ressortira de belles histoires : l’impact de la guerre en Ukraine, la sortie des énergies fossiles, etc.

La seconde partie abordera les dessous de deux belles histoires.

Yves Gautrey

Article paru dans Front Populaire le 1er Juin 2022.

2 réflexions sur “Crise économique : à l’origine, la prise de fonction de Joe Biden (partie 1 sur 3)

  1. Je viens de lire l’article très intéressant d’Yves. Une seule chose me paraît discutable, le titre « Crise économique: à l’origine la prise de fonction de Joe Biden ». Or Joe Biden fait ce qu’on fait tous les présidents américains (et comme son prédécesseur) en matière de financement des dépenses des Etats Unis.
    Rien de nouveau sous le soleil, sauf si le parti pris anti-Biden veut être affirmé par le titre.

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