Taxe carbone européenne : le désastre industriel annoncé (partie 4 sur 4)

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Mi-décembre 2022, la Commission de Bruxelles, le Parlement et les représentants des États membres de l’UE se réjouissent de l’adoption de la taxe carbone aux frontières. Un évènement passé presque inaperçu en France, et pourtant particulièrement destructeur pour l’industrie européenne.

Voici quelques solutions alternatives, bien moins destructrices de valeurs pour les entreprises françaises que le MACF. Voir les parties précédentes sur le décodage de la nouvelle taxe carbone technocratique, et l’exemple de son impact désastreux sur la réindustrialisation de la France.

Disons-le clairement : avec la nouvelle taxe carbone (MACF), nous subirons le programme d’anéantissement industriel via la généralisation de barrières écologiques monstrueusement impensées. Pour ces gens-là — c’est-à-dire pour ceux qui n’ont jamais produit que des textes législatifs, des normes et des idées politiques tout en vivant des impôts de leurs concitoyens —, le bon vieux principe du « pollueur-payeur-que-finance-toujours-le-consommateur-final » devra se doter d’un grand frère : la nouvelle taxe carbone aux frontières sur les produits industriels (pour le contexte et les détails, se référer aux deux premières parties).

« La critique est aisée, mais l’art est difficile »

Sur le fond, la nouvelle usine à gaz reste de même nature que l’Europe de l’électricité qui trucide le boulanger français : le compromis s’est fait — comme d’habitude — sur le dos du consommateur européen qu’elle méprise, et de l’industrie, qu’elle stigmatise ; on sait bien que ce sont eux qui paieront les conséquences de la taxe carbone que ce soit via leurs impôts ou via leurs achats. Et sur la forme, c’est une nouvelle démonstration de l’entre-soi bruxellois qui, toutes tendances confondues, fonctionne en circuit fermé sans se soucier des peuples européens.

La phrase bien connue de Philippe Néricault, dit Destouches, dans Le Glorieux (comédie en cinq actes, 1732) reste d’actualité « La critique est aisée, mais l’art est difficile ». Cependant, à l’heure où la France manque d’industries et de… paracétamol, et que l’Europe manque d’énergie et… de réalisme, l’objectif n’était pas d’offrir une nouvelle opportunité à l’écologie déconstructiviste ; mais bien de profiter de l’occasion pour maintenir à flot — et si possible renforcer — ce qui nous restait encore de tissu industriel. Dans le contexte du grand retour aux protectionnismes nationaux, nous aurions pu faire autrement : il y avait d’autres solutions plus efficaces.

Pour les idéologues écolos, nous aurions pu imaginer une simple taxe à l’importation portant sur toutes les marchandises, mais calculée en fonction de la législation des pays d’origine sur les émissions de gaz à effet de serre ; la règle aurait été facile à édicter. Comme alternative, nous aurions pu instaurer une certification des empreintes carbone de ces entreprises pollueuses-exportatrices, par le biais de sociétés de vérification et de certification reconnues internationalement (ex. SGS, TÜV, Bureau Veritas…) ; payées par les acheteurs, ces procédures classiques de contrôles pointilleux auraient — non seulement généré de nombreux emplois européens et extra-européens —, mais surtout enclenché à l’échelle mondiale un vrai changement des habitudes industrielles locales, puisque les contrôles se font le plus souvent avant l’exportation des marchandises, et non à l’importation en Europe. Il aurait même été possible — à l’heure de la blockchain, du big data et des satellites — d’instaurer un bilan carbone de ces industries locales, calculé à distance, selon nos critères européens — taxables, par classes de produits, pays d’origine et niveaux de développement.

Et que l’on ne vienne pas nous dire que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aurait pu bloquer ces initiatives : depuis 2016, les États-Unis bloquent l’OMC et depuis 2019, les plaintes ne sont pratiquement plus instruites (Sources : Institut Jacques Delors).

Pour les eurocrates libéraux, nous aurions pu à l’inverse, instaurer une taxe négative ; c’est-à-dire une baisse des charges payées par entreprises européennes les plus vertueuses en matière d’investissements « verts » ; voire, leur accorder une exonération partielle de la TVA payée sur leurs investissements « verts », en machines et services de dernière génération, ou dépenses R&D en décarbonation. Et même, leur octroyer — proportionnellement à leurs efforts financiers et dans le but d’améliorer leur compétitivité globale — une part de la TVA facturée sur leurs produits vendus.

Et in fine, il y a des batailles qu’il faut choisir, pour gagner une guerre. Car nos eurocrates auraient pu tout aussi bien détourner vers l’industrie « verte », une partie des généreuses subventions — 80 % du budget de l’UE (Source : europa-union, site officiel de l’UE) — habituellement déversées sans compter au profit du développement régional et urbain, à l’inclusion sociale, au port du voile, à la bonne gouvernance politique ou sociétale, à la convergence économique des régions, aux affaires maritimes, à la pêche, à l’agriculture, etc. Ou — chose impensable — réduire leurs frais de structure et de gestion pour coordonner et diriger l’UE dans ses moindres détails.

Les États-Unis sont en pointe sur le sujet, et comme toujours, de façon pragmatique

La nouvelle taxe carbone aux frontières de l’UE (MACF) parce qu’elle porte en elle tous les germes déconstructivistes de l’écologie politique — va rendre caduque la grande stratégie européenne de décarbonation ; ou alors, faute d’industries viables, cet accord enterrera à jamais toutes velléités de reconquête de nos souverainetés nationales face aux nouveaux empires. Mais au pays du libéralisme faussement flamboyant, on ne s’embarrasse guère des mêmes circonvolutions bureaucratiques et idéologiques qu’en Europe.

En plus du blocage de l’OMC, les Américains ne se sont pas gênés pour voter l’Inflation Réduction Act (IRA) en juillet 2022 : du vrai protectionnisme industriel ! Cette loi, qui en complète de nombreuses autres tout autant protectionnistes, aura pour conséquence directe de réduire le déficit américain d’environ 300 milliards de dollars et de subventionner à hauteur de 370 milliards $, tous les investissements industriels « verts » aux États-Unis. Ainsi, au nom du même et louable objectif, qui est de développer les énergies propres et décarboner les productions industrielles, les États-Unis vont à l’encontre de toutes les conventions internationales.

La stratégie américaine de Joe Biden ne se résume dorénavant qu’à une seule phrase : « attirer aux États-Unis, protéger les nouveaux arrivants, et favoriser l’industrie locale ». Les industriels d’ici vont donc se précipiter là-bas, lassés qu’ils sont par les écolocrates associés aux eurocrates d’inspiration germanique.

La vérité est que les États-Unis ont décidé, pour combattre la Chine, de détruire méthodiquement l’industrie européenne, tout en gardant la tête du consommateur, et ses euros, hors de l’eau. Les démocrates américains sont des conquérants : ils n’ont pas la pudeur des progressistes européens. Alors, d’un seul coup, la vraie-fausse macronitude qu’aurait pu prononcer Emmanuel Macron, qui veut exporter en Europe, doit fabriquer chez lui en européen, nous paraitrait parfaitement saugrenue, mais tellement démonstrative des incohérences de la stratégie « verte » décidée à Bruxelles.

En France, nous sommes pris à la gorge par nos  3 000 milliards € de dettes, alors que les caisses de l’État sont vides.  Devant l’incompétence stratégique notoire de Bruxelles, on reste tout de même  ébahis de mesurer l’incroyable passivité de nos dirigeants français pour au  moins, tenter de sortir de la nasse. L’ineffable Bruno Le Maire nous  l’affirmait à propos du MACF : « Pour être efficaces, les engagements que nous prenons ne doivent pas amener à une délocalisation de la production. […] Cela voudrait dire que tous nos efforts sont vains. » De qui se moque-t-il en parlant ainsi, tout en se doutant de la fin probable du scénario ? De nous, chers amis !

Mais, vous verrez bientôt Bruno Le Maire — parions pour fin 2026 — nous faire une belle pirouette de style souverainiste de salon, afin de tenter de s’alléger de l’écrasante responsabilité des échecs de la France qu’il aura accumulés en tant que ministre de l’Économie pendant les dix longues années de son règne. Quant à Emmanuel Macron, il vise déjà la poste d’Ursula von der Leyen.

Il faudra bien un jour désigner les vrais coupables de cette monumentale entreprise de destruction de valeurs.

Yves Gautrey

Article paru dans le magazine de Michel Onfray, Front Populaire le 27 Janvier 2023.

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